Louis Pasteur, la rage de guerrir. Imprimer
Écrit par Destinationsante.com   
Mercredi, 30 Janvier 2013 00:06

Une personnalité aura marqué plus qu’aucune autre l’histoire de la vaccination. Celle de Louis Pasteur, né à Dole (Jura) en 1822. Il a consacré toute sa vie à la recherche...

Son talent et son travail opiniâtre, combinés à une grande ambition et un goût prononcé pour la communication, ont attaché son nom à l’extension de la vaccination jennérienne – qui protégeait contre la seule variole – à une multitude de maladies infectieuses. La mise au point du vaccin contre la rage tient sans conteste une place prépondérante dans cette saga. Après nous avoir passionnés par le récit des origines de la vaccination, le Pr Hervé Bazin, spécialiste de la vaccination et membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, nous fait vivre les grands moments de la vie de Pasteur.

« Louis Pasteur a commencé à travailler tardivement sur les maladies infectieuses. Ce n’est qu’en 1877 qu’il se penche sur ce sujet. Auparavant, il avait focalisé son attention sur les phénomènes de fermentation, sur la démonstration de l’inexistence de la génération spontanée, et sur les maladies des vers à soie », commence Hervé Bazin. Avec l’aide de ses collègues, Edmond Nocard spécialiste des maladies infectieuses animales, et Emile Roux, plus familier des maladies infectieuses humaines, il s’intéresse au choléra des poules. « Le bacille responsable de cette maladie lui avait été envoyé dans une tête de coq par Henri Toussaint, un professeur de l’Ecole vétérinaire de Toulouse. Pasteur le met en culture et, après un an de travail, il réussit à mettre au point un vaccin contre la maladie ». Il s’aperçoit en effet qu’en cultivant les bactéries en flacon, donc exposées à l’oxygène de l’air, elles perdent de leur virulence au fil du temps. S’il se révèle d’un intérêt économiquement limité, la mise au point de ce premier vaccin vivant atténué constitue un immense bond en avant pour la médecine.

La victoire contre la rage

Cette réussite est pour Pasteur une incitation à poursuivre ses recherches sur les maladies infectieuses. « C’était un homme très ambitieux », explique Hervé Bazin. Dès 1880, il s’intéresse à une zoonose, la rage. Très commune à l’époque, elle affecte les animaux et l’homme. Et même si elle provoque moins de 100 morts par an en France, elle est source de terreur pour la population. Les chiens atteints devenant souvent très agressifs, présentent la caractéristique de baver abondamment, peignant un tableau effrayant aux yeux des contemporains de Pasteur. D’autant que le seul traitement connu était alors la cautérisation, c’est-à-dire le fait de brûler les chairs autour de la plaie. « De plus, quand celle-ci était située trop près d’un gros vaisseau ou d’un organe vital, cette méthode était presque impossible à pratiquer », ajoute-t-il.

Pour étudier la rage, Pasteur utilise des lapins. Même enragés en effet, ces animaux présentent peu de danger. Il leur inocule le virus près du cerveau, sous la méninge dure-mère, puis il transmet le virus de lapin en lapin. Cette procédure lui permet de le stabiliser. Ensuite, il tente de diminuer sa virulence afin de pouvoir vacciner. Pour ce faire, l’idée lui vient d’employer la moelle de lapin rabique, qu’il fait sécher à l’air. Ainsi atténué, le virus permet la vaccination préventive des chiens. C’est une première réussite pour Pasteur, mais il veut aller plus loin, et utiliser ce vaccin pour créer une immunité après la morsure chez l’homme. « Dès 1884, il obtient des résultats prometteurs. Comme il a la communication dans le sang, il annonce publiquement qu’il est capable de soigner la rage. Même s’il s’avançait un peu, Pasteur était sûr de sa réussite », raconte Hervé Bazin.

Soigner l’homme, déjà contaminé par le virus de la rage

Le 6 juillet 1885, l’histoire lui donne raison. Ce jour-là, Louis Pasteur obtient son premier succès chez l’homme avec la vaccination d’un enfant de 9 ans, Joseph Meister. Il s’était rendu avec sa mère à son laboratoire de l’Ecole normale supérieure, rue d’Ulm à Paris. Le jeune garçon présentait des morsures profondes et multiples, faites par un chien soupçonné d’être enragé. Il reçoit treize injections de broyat de moelle de lapin enragé, à raison d’une par jour et il survit, à la fois au traitement et à la rage qu’il était en grand danger de contracter. « C’est Jacques-Joseph Grancher, un médecin qui travaillait avec Pasteur, qui a pris la responsabilité d’inoculer le vaccin au jeune garçon, puisque lui-même n’était pas praticien », précise Hervé Bazin.

Trois mois plus tard, Louis Pasteur réitère ce traitement sur un jeune berger, Jean-Baptiste Jupille, sévèrement mordu par un chien enragé. Une nouvelle fois, la victime survit. Le 26 octobre 1885, Pasteur expose donc les résultats prometteurs de son traitement contre la rage chez l’homme à l’Académie des sciences. Dès lors, des patients mordus par des animaux enragés affluent vers le laboratoire de Louis Pasteur.

La vaccination depuis Pasteur

Grâce à lui, la science de la vaccination connut par la suite une période d’innovation sans précédent. « Fièvre typhoïde, typhus exanthématique, diphtérie, tétanos… La prévention des maladies infectieuses était grandement améliorée, mais pas leur traitement. Grâce aux travaux d’Emile Roux, d’Alexandre Yersin, d’Emil Adolf Behring et de Shibasaburo Kitasato, la sérothérapie a été mise au point », explique Hervé Bazin. C’est ainsi notamment que « la diphtérie, une maladie très grave, a pu être soignée. Cette méthode consistait à extraire le sérum du sang d’animaux immunisés et à l’injecter aux malades », explique le Pr Bazin, dont l’épouse nous confie-t-il, faillit perdre la vie en 1945 à cause de cette pathologie longtemps meurtrière. Elle a été sauvée grâce à ce traitement. « La sérothérapie est également employée pour immuniser contre le tétanos, diminuant ainsi nettement la mortalité. L’emploi de ce sérum a été largement répandu sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale »

Dans les années 1930, la fabrication de vaccins s’industrialise. C’est le début de la culture des souches vaccinales virales. « Mais il faut attendre les années 1950 pour être témoin de la fabrication en grande quantités de vaccins. Le premier est celui contre la fièvre aphteuse, puis viendra celui contre la poliomyélite », énumère Hervé Bazin. A cette même époque, un autre épisode de la lutte contre la rage s’écrit en Europe. « Après avoir injecté de la vaccine – ou variole de la vache – associée à un antigène du virus de la rage à des têtes de poulets, les autorités de plusieurs pays européens font déposer 18 à 20 de ces appâts tous les km2 dans les zones d’habitat du renard. Parfois distribués à la main, les appâts ont également été jetés depuis des hélicoptères dans certaines zones. Résultat : la rage a pu être éradiquée de Suisse, de Belgique et de France. Un résultat extraordinaire en matière de santé publique », se réjouit le Pr Bazin.

Les vaccins d’avenir

Depuis les premières réussites de Louis Pasteur contre la rage, de nombreuses voies de recherches ont été empruntées pour développer de nouveaux vaccins. « Si des progrès ont été accomplis, deux vaccins majeurs manquent à l’appel aujourd’hui : un vaccin contre le paludisme et un autre contre le VIH/SIDA », rappelle Hervé Bazin. De nombreux travaux permettent heureusement d’espérer la mise au point de vaccins efficaces pour lutter contre ces deux maladies dans les années à venir.

Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Emmanuel Ducreuzet et Marc Gombeaud

Source : interview du Pr Hervé Bazin, spécialiste de la vaccination et membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, 12 décembre 2012 – Louis Pasteur de Hervé Bazin, Editions Alan Sutton, 130 pages, 21 euros – site Internet de l’Institut Pasteur de Paris, consulté le 21 janvier 2013

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